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Issa Hayatou, l’« empereur » disparu du football africain

Issa Hayatou est décédé le 8 août, à la veille de ses 78 ans. De prince de Garoua à sphinx du Caire, le Camerounais aura laissé une empreinte indélébile sur le football africain.

 

Une folle rumeur l’avait annoncé mort en mars dernier, quelques semaines après la finale de la Coupe d’Afrique des nations, compétition dont ce fils du Cameroun a façonné le destin pendant plusieurs décennies. Mais c’est finalement pendant les Jeux olympiques de Paris qu’Issa Hayatou, l’ancien coureur de 400 mètres et membre honoraire du Comité international olympique (CIO) a tiré sa révérence, le 8 août, à la veille de son 78e anniversaire.

 

Ces dernières années, Issa Hayatou avait presque refermé la page de son existence consacrée au football, celle-là même qu’il avait passé plus des deux tiers de sa vie à écrire. Il n’avait cependant pas complétement dit adieu au sport auquel il vouait une passion immodérée. Né à Garoua dans une famille de la noblesse peule, Issa Hayatou avait choisi de viser une carrière de sportif, et ce contre la volonté de ses proches.

 

Champion d’athlétisme

 

D’abord athlète, il pratique le demi-fond et remporte des titres nationaux sur 400 et 800 mètres. Comme basketteur ensuite, il a moins de succès. Peu après, il se lance dans l’encadrement sportif. Enseignant d’éducation physique et sportive au lycée Leclerc, le plus important du pays, il est coopté en 1974 pour devenir secrétaire général de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Issa Hayatou fait son entrée dans le football. Il n’en sortira plus.

 

Parrainé par le sultan des bamouns Ibrahim Mbombo Njoya, premier président de la Fecafoot et ancien ministre des Sports, et par René Essomba, président de la fédération de 1968 à 1972, Hayatou, alors âgé de 28 ans, est formé aux techniques de management. Il les mettra en pratique en dirigeant l’instance faîtière du football camerounais entre 1986 et 1988, après avoir passé deux années comme vice-président. Introduit dans les cercles de pouvoir à Yaoundé, c’est pourtant le Maroc, et un homme, le roi Hassan II, qui le propulsent plus haut.

 

En l’occurrence, à la Confédération africaine de football (CAF). Le monarque marocain était un proche de l’ancien président Amadou Ahidjo, et avait conservé des liens très étroit avec les membres de l’entourage de ce dernier et de la communauté peule musulmane, dont Issa Hayatou. Avec le soutien du royaume chérifien, Issa Hayatou s’impose et s’installe au Caire à la tête de la CAF en 1988.

 

Une mission difficile pour cet homme inconnu du plus grand nombre. En effet, Issa Hayatou succède à un homme à la poigne légendaire : l’Éthiopien Ydnekatchew Tessema. C’est ce dernier qui, une décennie plus tôt, avait mobilisé l’Afrique pour le boycott des Jeux Olympiques de 1976 afin de protester contre la politique d’apartheid en cours en Afrique du Sud et la passivité du CIO. Pourtant, très vite, Hayatou imprime sa marque. En 1990, une équipe africaine – le Cameroun – arrive pour la première fois en quart de finale d’une coupe du monde.

 

Rapports de méfiance avec Paul Biya

 

Issa Hayatou se sert de ce succès et réclame des places supplémentaires pour le continent africain pour la grand-messe du football mondial. « Il a grandement contribué à mettre le football africain sur orbite, estime Abdouramane Hamadou, un ancien secrétaire général de la Fecafoot. Avec tact et fermeté, il a notamment su assurer au football africain une respectabilité et une indépendance. Face aux assauts impérialistes, il a toujours su défendre les choix et les intérêts de l’Afrique. »

 

Sous sa présidence, les compétitions de la CAF connaissent un coup de neuf et attire de plus en plus de sponsors. « En plus de sa vision panafricaniste, Issa Hayatou a laissé une CAF prospère avec des finances saines, preuve d’une gestion de bon père de famille », ajoute notre source. Mais cette gestion paternaliste aura également été le talon d’Achille de sa gouvernance. Un jour, se souvient un ancien président de fédération, le président s’emporte. « De là où je viens, lorsque le chef parle on ne discute pas », lance-t-il.

 

Mis en compte pour son management hyper directif, Issa Hayatou n’a pas échappé aux critiques et aux soupçons. Ses détracteurs l’ont accusé de distribuer des prébendes et avantages pour s’assurer des allégeances et écraser les récalcitrants. Mais l’homme a tenu bon. Puissant, il a également eu pendant longtemps des rapports controversés avec le pouvoir de Yaoundé et de Paul Biya, au sein duquel un vent de méfiance permanent règne depuis des décennies vis-à-vis des ressortissants du septentrion, la région de l’ancien président Ahidjo

 

Dernier maroquin

 

En 2002, lorsqu’il candidate contre Sepp Blatter pour reprendre la présidence de la Fifa, le Cameroun ne lui apporte pas le soutien attendu. Pire, deux anciens Lions indomptables, et non des moindres, Joseph-Antoine Bell et Roger Milla, soutiennent la candidature de son adversaire suisse. Issa Hayatou va tout de même se réconcilier avec son pays d’origine en pesant de tout son poids en 2014 afin que lui soit accordé l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations en 2019.

 

Comme tout règne, celui d’Issa Hayatou à la CAF a pris fin en 2017. Un coup de massue que l’infortuné n’avait pas imaginé, même si tous les indicateurs étaient au rouge. Avait-il méjugé les forces en présence ? Sa tentative de reprendre la tête du lamidat de Garoua, dans son village natal, quatre ans plus tard, n’aura pas plus de succès. Une fois de plus, il est reproché à Issa Hayatou de ne pas avoir suffisamment analysé le contexte et de ne pas avoir sollicité un adoubement des hautes autorités camerounaises avant de se lancer dans cette aventure électorale.

 

Paul Biya lui offrira tout de même un poste honorifique de président du conseil d’administration de l’Académie nationale de football (Anafoot), maroquin qu’il conservera jusqu’à sa disparition, ce 8 août à Neuilly-sur-Seine.

 

source: https://www.jeuneafrique.com

 



12/08/2024
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