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Fin des accords de pêche UE-Afrique : après le Sénégal, à qui le tour ?

À l’heure où les navires de pêche européens ont quitté les eaux sénégalaises, plusieurs accords subsistent entre Bruxelles et une poignée d’États africains. Tour d’horizon des concernés et des retombées économiques offertes par ces contrats.

 

L’Union européenne (UE) a quitté la table des discussions au Sénégal. En pleine négociation pour la reconduction de l’Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APP), les Européens ont annoncé renoncer à ce contrat le 12 novembre. « Les navires européens devront donc quitter les eaux du Sénégal à l’expiration du protocole, le 17 novembre, et le Sénégal ne recevra plus de contribution financière dans le cadre de l’accord de pêche », précise la représentation européenne à Dakar.

 

Si l’UE a justifié sa décision en invoquant la lutte contre la pêche illégale, Dakar dément et revendique un choix souverain pris au nom de la défense de ses pêcheurs traditionnels. L’APP permettait au Sénégal de recevoir des allocations annuelles d’un montant de 8,5 millions d’euros.

 

La dénonciation des accords de pêche avec l’UE et la Chine a été l’une des thématiques de campagne de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko dans leur course à la présidence. Acté pour la première fois en 1980, le contrat avec les Européens a été suspendu deux fois, en 2006 et en 2014. Lors d’un meeting le 29 octobre dernier, le désormais Premier ministre sénégalais, expliquait à ses militants que « ces accords ne sont pas favorables au Sénégal ». Suite à son élection, Bassirou Diomaye Faye aurait prévenu, selon Ousmane Sonko, « l’Union européenne de sa volonté de réviser ces accords, afin d’assurer qu’au moins 80 % des ressources de pêche profitent au Sénégal ».

 

Au Sénégal, la pêche fait vivre 600 000 personnes selon les Nations unies, sur une population d’environ 18 millions d’habitants. Avant le Sénégal, l’UE a dénoncé en 2018 l’APP qui l’unissait aux Comores. Une mesure prise officiellement pour lutter contre la pêche illégale sur l’archipel. Le pays a ainsi perdu 300 000 euros de subventions européennes.

 

Accord dormant en Côte d’Ivoire

 

Contrairement au Sénégal et aux Comores, la Côte d’Ivoire négocie pour maintenir la présence des navires européens dans ses eaux. En 2008, Yamoussoukro et Bruxelles ont signé un pacte permettant aux Européens de pêcher du thon au large des côtes ivoiriennes. Un service grassement rémunéré – 682 000 euros par an depuis 2019 – qui donne quitus à 28 thoniers senneurs congélateurs et 8 palangriers de surface pour ratisser les profondeurs. « [Cette somme] recouvre non seulement la compensation financière versée en échange de l’accès à ses eaux, mais également le renforcement de l’aide au développement du secteur de la pêche locale et de l’“économie bleue” », soulignent les termes du protocole de 2019 que Jeune Afrique a pu consulter.

 

Le document, caduc depuis juillet dernier, n’a pour l’instant pas été remplacé. Si les négociations sont officiellement en cours depuis mars 2023 et menées côté UE par Emmanuel Berck, chef d’unité adjoint chargé des négociations commerciales et des accords de partenariat de pêche durable, les deux parties – contactée par nos soins – n’ont pas répondu à nos sollicitations.

 

L’accord de partenariat de pêche offre à la Côte d’Ivoire une aide financière et technique qui contribue à la mise en œuvre de la Politique Nationale de Développement de l’Élevage, de la Pêche et de l’Aquaculture (PONADEPA) 2022-2026, qui a pour objectif la gestion durable des ressources halieutiques continentales et maritimes. Dans l’attente d’un protocole, le projet ivoirien bénéficie du statut « d’accord dormant ».

 

Huit accords en vigueur

 

Ces derniers se rapportent à des pays ayant conclu un accord de partenariat dans le secteur de la pêche qui est toujours en vigueur, mais pour lequel il n’existe pas de protocole de mise en œuvre en vigueur. En conséquence, les navires de l’UE ne sont pas autorisés à pêcher dans les eaux régies par ces textes. Le Maroc, dont le protocole a expiré en 2023 faisait partie de cette liste jusqu’à ce que l’accord soit définitivement annulé par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) en octobre 2024.

 

Trois autres pays, dont le Libéria, font partie de la liste des accords dormants et voient leurs subventions suspendues. Le cas de la Guinée équatoriale est plus particulier. Signées dans les années 1980 et dormant depuis juin 2001, ses subventions étaient calculées sur le taux de change des ECU (European Currency Unit), l’unité de compte de la Communauté européenne avant la mise en circulation de l’euro en 2002. À l’époque, l’accord avait été négocié à 180 000 ECU (soit 171,10 euros en 2024).

 

S’ils ne peuvent plus pêcher dans une poignée de pays, les navires européens peuvent toujours sillonner les eaux africaines. Huit APP sont encore valides sur le continent, notamment en Mauritanie. Contre une contribution financière de 60 millions d’euros par an, Nouakchott autorise par exemple les bateaux européens à capturer plusieurs types de poissons. Cet accord dit « mixte » donne accès à un large éventail de stocks de poissons au sein de la zone économique exclusive du pays partenaire. La Guinée-Bissau, contre 17 millions d’euros, a également signé un APP mixte. Quant au Gabon, au Cap-Vert, ainsi que six autres pays, ils sont reliés par des accords thoniers. Le dernier protocole thonier (Madagascar) expire le 30 juin 2027.

 

https://www.jeuneafrique.com

 



20/11/2024
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