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Au Sénégal, Jean-Luc Mélenchon et Ousmane Sonko affichent leur entente

Le leader du parti français d’extrême gauche séjourne dans la capitale sénégalaise depuis le 14 mai, sur invitation du nouveau Premier ministre sénégalais. Ce dernier a profité d’une rencontre avec les étudiants de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) pour s’en prendre à la France et à son président.

 

Le Français Jean-Luc Mélenchon était en territoire conquis, jeudi 16 mai, devant les étudiants de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). En séjour dans la capitale sénégalaise depuis le 14 mai sur invitation du Premier ministre Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le fondateur de La France insoumise (LFI) n’a pas boudé son plaisir, critiquant la gouvernance d’Emmanuel Macron et affichant sa proximité avec les nouveaux dirigeants sénégalais.

 

En France, le parti d’extrême gauche s’était activé pour dénoncer la répression dont faisaient l’objet les militants de Pastef dans les mois qui ont précédé la présidentielle du 24 mars. Ils avaient interpellé à plusieurs reprises le gouvernement français sur les tensions politiques entre le pouvoir et l’opposition au Sénégal. Mais Ousmane Sonko et Jean-Luc Mélenchon, qui ont souvent échangé par téléphone, ne s’étaient jamais rencontrés physiquement avant l’audience accordée, ce mercredi, par le nouveau chef de gouvernement à son hôte, ainsi devenu le premier haut responsable politique français à être reçu au Sénégal. Un pied de nez – voire une inélégance protocolaire – vis-à-vis de Paris ?

 

Si le Premier ministre sénégalais a vite fait de préciser qu’il recevait le leader de LFI en tant que président de parti et non en tant que chef de gouvernement pour éviter « tout amalgame », il a formulé une charge virulente le lendemain contre la présidence d’Emmanuel Macron qui a fait, selon lui, le jeu du régime de Macky Sall en ne condamnant pas la répression violente des manifestations entre 2021 et 2024, qui ont causé la mort d’une trentaine de personnes et conduit à de multiples arrestations dans les rangs de Pastef.

 

« Vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui s’est passé », a affirmé Ousmane Sonko, dans un amphithéâtre plein à craquer et survolté. À l’époque opposant, il s’était d’ailleurs agacé de l’accueil qu’avait réservé à plusieurs reprises en 2023 le chef de l’État français à l’Élysée à l’ancien président sénégalais. « C’est une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais qui n’avaient [commis d’autre] crime que d’avoir un projet politique », a déclaré Ousmane Sonko, qui lui-même a été incarcéré pendant plusieurs mois et écarté de la présidentielle.

 

De son côté, Jean-Luc Mélenchon a salué, sous les ovations du public, « la révolution citoyenne [qui s’est achevée] après une résistance populaire payée de morts et de martyrs par une victoire électorale au Sénégal ». « Notre ambition est de faire entendre une autre voix de la France en Afrique », explique à Jeune Afrique Arnaud Le Gall, le député LFI, qui a aussi fait le déplacement dans la capitale sénégalaise. Tout comme Manuel Bompard, coordinateur général de la formation politique, Nadège Abomangoli, députée de Seine-Saint-Denis, ou encore Aurélien Taché, issu du groupe parlementaire Europe Écologie Les Verts et membre de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).

 

Opportunisme électoraliste ?

 

En pleine campagne pour les élections européennes qui doivent se tenir le 9 juin, Jean-Luc Mélenchon en a profité pour réaffirmer son soutien aux Palestiniens de Gaza pris en étau par la guerre que mène Israël contre le Hamas. « J’affirme ici, à Dakar, que la jeunesse mondiale est solidaire des Palestiniens massacrés à Gaza », a-t-il lancé. Le sujet sensible à Paris a déjà valu à Mathilde Panot, la présidente du groupe parlementaire LFI, et à Rima Hassan, la militante franco-palestinienne candidate aux élections européennes, une convocation à la police « pour apologie du terrorisme », délit passible de 75 000 euros d’amende et cinq ans de prison.

 

Au Sénégal, Jean-Luc Mélenchon a également dénoncé le musellement dont serait victime son parti. « J’ai ici, à Dakar, une liberté de parole qui me vaudrait d’être poursuivi pour apologie de terrorisme dans mon pays. Et je ne manquerai pas de mentionner dans ma biographie qu’il m’a été plus facile de m’exprimer à Casablanca, à Kinshasa, à Dakar, que ce fut le cas à Bordeaux, à Rennes ou à Lille, où on m’a interdit de parler. » Aurélien Taché s’est cependant défendu de tout opportunisme électoraliste : « Ce voyage tombe certes dans le cadre des élections européennes. Mais il s’est fait à l’initiative d’Ousmane Sonko, qui souhaite continuer à travailler sur le plan politique avec ceux dont il sent qu’ils ont une autre vision de ce que doivent être les relations entre la France et le Sénégal », explique le député du Val-d’Oise.

 

Alors qu’il a fait de la rupture des relations avec l’ancienne puissance coloniale son cheval de bataille, Ousmane Sonko a exprimé sa volonté de revoir les bases de la coopération avec la France. « Nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles l’armée française bénéficie toujours de plusieurs bases militaires dans nos pays et sur l’impact de cette présence sur notre souveraineté nationale et notre autonomie stratégique, a-t-il affirmé. Je réitère ici la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères. »

 

Divergence sur l’homosexualité

 

S’il y a eu pour l’essentiel une convergence des idées entre LFI et Pastef, le sujet de l’homosexualité a été un point de désaccord. « Les velléités extérieures de nous imposer l’importation de modes de vie et de pensée contraires à nos valeurs risquent de constituer un nouveau casus belli », a commenté Ousmane Sonko, avant d’exhorter l’Europe à respecter les spécificités culturelles du Sénégal, la question de la défense des minorités sexuelles suscitant « énormément de tensions et d’incompréhensions tant elle met face à face des cultures, des civilisations et des systèmes politiques à la vision diamétralement opposée ».

 

« Je suis le premier législateur français qui a déposé un texte de loi à propos de la possibilité du mariage homosexuel. J’assume ma position politique. Si on ne peut pas se parler franchement, on ne se parle pas, a répondu Jean-Luc Mélenchon. Je ne chercherai pas à vous l’imposer. Vous ferez bien comme vous voulez, et nous aussi. »

 

Le 15 mai, avant de rencontrer Ousmane Sonko, l’homme politique français avait eu soin de visiter la maison de Léopold Sédar Senghor, l’ancien président sénégalais. Il a aussi profité de son séjour pour aller à la rencontre de Français du Sénégal – une initiative à replacer dans la perspective des élections européennes. Samedi, il a prévu de visiter l’île de Gorée, lieu symbolique de la mémoire de la traite négrière située au large de Dakar.

 

source:jeune afrique.fr

 



19/05/2024
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